Dans une nouvelle étude parue dans la revue internationale Blood, des chercheurs de l’équipe « Chromatine et régulation génique au cours du développement », dirigée par Annarita Miccio, à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité), ont mis au point une stratégie fondée sur de nouveaux outils d’édition du génome pour corriger efficacement une mutation responsable de la bêta-thalassémie, une maladie génétique affectant la production des globules rouges.
La bêta-thalassémie est une maladie génétique responsable d’une production insuffisante d’hémoglobine, protéine présente dans les globules rouges et dédiée au transport de l’oxygène dans tout le corps. Dans les formes les plus graves, ce déficit en hémoglobine provoque des anémies sévères nécessitant des transfusions sanguines régulières.
Au total, on recense plus de 300 types de mutations pouvant causer la bêta-thalassémie ; et la répartition de ces mutations est très différente selon les régions. Dans une publication parue dans la revue Blood, l’équipe « Chromatine et régulation génique au cours du développement », dirigée par Annarita Miccio, à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité) a mis au point une thérapie génique prometteuse pour corriger l’une de ces mutations, particulièrement fréquente dans les populations méditerranéennes.
Une stratégie pour corriger une seule base
« Cette mutation est caractérisée par le remplacement d’une base « G » par une base « A » dans le gène codant la globine bêta, une des deux sous-unités de l’hémoglobine. Or, dans notre étude, nous avons mis en place une stratégie permettant de corriger exactement cette erreur dans les cellules souches hématopoïétiques, qui sont les cellules immatures de la moelle osseuse capables de se différencier en n’importe quelles cellules sanguines, y compris en globules rouges », explique Giulia Hardouin, PhD et première auteure de l’étude.
Cette stratégie consiste à utiliser ce que l’on appelle des « éditeurs de bases » (base editing en anglais) qui font partie des techniques les plus récentes dans l’arsenal des outils d’édition du génome. Les éditeurs de bases permettent de modifier la base de son choix (A, T, C ou G) sans avoir à couper les brins d’ADN comme l’oblige CRISPR-Cas9, technique la plus utilisée dans les laboratoires de recherche et qui avait valu en 2020 le Prix Nobel de chimie à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. De quoi améliorer la sécurité de la thérapie génique.
75% des cellules corrigées
Pour prouver l’efficacité de cette approche, l’équipe d’Annarita Miccio a dû procéder à plusieurs expérimentations. « D’abord, nous avons vérifié in vitro si la correction apportée aux cellules souches hématopoïétiques se retrouvait bien dans les globules rouges, ce qui était le cas », souligne Giulia Hardouin.
Ensuite, les chercheurs ont démontré que le stock de cellules souches génétiquement corrigées se maintenait à un niveau suffisant sur le long terme. Pour cela, ils ont injecté des cellules souches corrigées à des souris. « Après 16 semaines, nous avons pu observer que ces cellules corrigées étaient maintenues dans la moelle osseuse des souris. 16 semaines, c’est l’équivalent du long terme chez l’homme, précise la chercheuse. On peut donc considérer que l’effet de cette greffe est efficace à long terme. Nous avons par ailleurs montré que l’on corrige jusqu’à 75% des cellules souches hématopoïétiques. Sachant que l’on considère que 20 à 30% suffisent largement pour être efficace ! ».
Autre point important : l’hémoglobine dans les globules rouges en circulation dans le sang revient à un niveau normal. Même si le passage de la paillasse au chevet du patient prendra encore du temps, ces travaux sont prometteurs et porteurs d’espoirs pour les patients avec cette mutation.