Les premiers résultats positifs d’un essai de thérapie génique comme traitement durable de la granulomatose septique chronique liée à l’X (X-CGD), ont été publiés en janvier dernier dans Nature Medicine. Très encourageants, les résultats montrent que 6 patients traités sur 9 sont libérés des infections liées à la maladie.
La granulomatose septique chronique est une maladie génétique rare (1 naissance sur 217 000 dans le monde) due à une mutation sur le chromosome X, affectant préférentiellement les garçons. Cette mutation est localisée sur le gène codant une sous-unité de l’enzyme appelé NAPDH oxydase 2 (Nicotinamide Adénine Dinucléotide Phosphate). Cet enzyme a un rôle important dans le système immunitaire puisqu’il permet à certaines cellules de l’immunité innée (macrophages, monocytes, polynucléaires neutrophiles) de digérer les bactéries et champignons pathogènes qu’elles ont ingérés par phagocytose*. En l’absence de cette arme défensive, les patients ont une prédisposition aux infections récurrentes et sévères dès les premières années de vie, conduisant à la formation de granulomes, d’abcès, de pneumonies et d’inflammations chroniques. Le traitement conventionnel de la CGD est l’administration d’antibiotiques et d’antifongiques tout au long de la vie du patient pour prévenir et améliorer les symptômes. A ce jour, le seul traitement curatif permanent est la greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur compatible. Cependant, tous les patients ne possèdent pas de donneur compatible et les risques de rejets liés à cette opération restent élevés.
Comment fonctionne le traitement ?
L‘étude européenne pilotée par Généthon, en collaboration avec une étude multicentrique américaine, propose une nouvelle approche thérapeutique, la thérapie génique, pour soigner cette maladie. Cette approche consiste à restaurer l’activité de la NADPH oxydase défaillante des cellules de l’immunité innée du patient (monocytes, macrophages, polynucléaires neutrophiles), en transférant une version fonctionnelle du gène grâce à un vecteur appelé, vecteur lentiviral (LV). Ce vecteur lentiviral est dérivé du VIH-1 dont il a conservé les capacités d’intégration dans l’ADN des cellules cibles mais qui a été totalement inactivé pour assurer son innocuité. Une fois entré dans les cellules cibles, le vecteur permet une production stable et durable de la NADPH oxydase. Pour ce faire, les cellules souches sanguines du malade sont récupérées avant traitement puis, sont modifiées génétiquement en laboratoire par l’ajout du vecteur portant le gène thérapeutique, avant d’être réintroduites chez le patient. Pour assurer la bonne réimplantation des cellules génétiquement modifiées et pour éliminer les cellules malades résiduelles, les malades reçoivent un traitement par chimiothérapie. Une fois transplantées, les cellules corrigées commencent à se multiplier et se différencier en cellules de l’immunité innée. Ces cellules modifiées ont alors la capacité de produire la NADPH et de fonctionner au sein du système immunitaire ainsi corrigé, pour éliminer les microorganismes pathogènes. Cette thérapie, si elle s’avère efficace dans un contexte à plus large échelle, serait une alternative intéressante à la transplantation de moelle osseuse.
Le vecteur thérapeutique est une production française
Le vecteur G1XCGD utilisé dans cet essai clinique a été développé dans les laboratoires de Généthon à Evry par le Dr. Anne Galy (Inserm/UMR951, Généthon, Université d’Evry, Université Paris-Saclay) en collaboration avec le Dr. Adrian Thrasher du Great Ormond Street Institute of Child Health à Londres, et le Pr. Manuel Grez de Francfort. Les lots cliniques de vecteurs ont été produits en France par la société YposKesi, la plateforme de production industrielle des produits de thérapie génique créée par l’AFM-Téléthon et BPI France.
Résultats encourageants pour 6 des 9 patients de l’essai
Les premiers résultats publiés de cette étude portent sur 9 patients (4 en Grande-Bretagne et 5 aux Etats-Unis) âgés de 2 à 27 ans présentant des antécédents cliniques d’infections graves liées à X-CGD. Après administration du traitement de thérapie génique, 6 des patients traités n’ont contracté aucune infection au cours des 12 à 36 mois suivant le traitement et ont même arrêté les traitements antibiotiques préventifs. L’étude montre que pour ces patients, le nombre de neutrophiles possédant une activité enzymatique liée à la NAPDH est supérieur à 15 % après 1 mois et reste stable dans les 12 mois suivant le traitement (16 à 46% selon les patients), démontrant ainsi la prise du greffon et permettant ainsi l’arrêt des traitements antibiotiques.
Néanmoins, la situation s’est avérée différente pour 3 des patients traités. Deux d’entre-deux sont décédés dans les 3 mois suivant la thérapie génique, suite à des infections contractées avant la transplantation et sans rapport, d’après l’étude, avec le produit médicamenteux lui-même. Le troisième patient quant à lui n’a pas contracté de nouvelles infections à la suite de l’essai, mais reçoit toujours un traitement antibiotique. En effet, le nombre de neutrophiles possédant une activité enzymatique liée à la NADPH de ce patient a décliné au cours de l’essai, suggérant une faible prise du greffon. D’après l’étude, ceci pourrait résulter d’une inflammation chronique contractée avant traitement ou bien de la prise d’un antibiotique, le linézolide, connu pour avoir une activité myélosuppressive.
Nous sommes très fiers de ces résultats cliniques qui démontrent une nouvelle fois la capacité unique de notre laboratoire à développer des projets thérapeutiques, de l’élaboration du concept à l’essai clinique en intégrant la production du médicament. Ces résultats sont également le fruit d’une collaboration riche avec les meilleurs cliniciens experts britanniques et américains.
Frédéric Revah, Directeur Général de Généthon.
« C’est la première fois qu’un traitement durable est obtenu par thérapie génique dans cette maladie, confirmant les avantages de la technologie lentivirale qui a été utilisée pour traiter les cellules souches hématopoïétiques » déclare Anne Galy, Directrice du programme « Maladies du sang et du système Immunitaire » à Généthon et coordinatrice du projet Européen Net4CGD.
Une collaboration européenne solide
Ces travaux internationaux ont été rendus possible grâce, en partie, au soutien de la commission européenne à travers le financement du projet Européen Net4CGD entièrement dédié à la mise en place d’une thérapie génique efficace pour cette maladie. De nombreux partenaires européens et français sont impliqués dans ce consortium, notamment l’APHP, au travers du Pr. Marina Cavazzana, également coordinatrice du DIM Thérapie Génique.
Vers le développement d’un traitement pour les patients en Europe et aux Etats-Unis ?
Les résultats des essais cliniques ont donné lieu à une alliance stratégique entre Généthon et la société britannique de biotechnologie Orchard Therapeutics afin de permettre le développement d’un produit mis à disposition des patients. En effet, Orchard Therapeutics, dont plusieurs co-auteurs de cette étude sont les cofondateurs, souhaite poursuive des essais cliniques plus vastes avec ce médicament innovant en Europe et aux Etats-Unis dans le but d‘obtenir une AMM (autorisation de mise sur le marché). Des traitements similaires pourraient ainsi être développés pour les autres formes de CGD, puisque 4 autres mutations affectent la même fonction immunitaire.
Au-delà de cela, la réussite de cet essai est un formidable espoir pour les patients présentant un déficit protéique de cellules de l’immunité innée, qui pourraient un jour bénéficier d’un traitement développé sur la même approche.
Aurélie Laubier, PhD, chef de projet du DIM Thérapie Génique
*phagocytose : la phagocytose est un mécanisme cellulaire qui permet à certaines cellules spécialisées d’internaliser du matériel de grande taille comme des débris cellulaires ou des bactéries pathogènes. Ce mécanisme participe à la réponse immunitaire en assurant la première ligne de défense au sein de l’organisme.