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Premier succès in vivo d’une thérapie génique pour la leucinose

Dans une nouvelle étude parue dans Nature Communications, des équipes coordonnées par le Pr Manuel Schiff et le Dr Clément Pontoizeau, au sein du service et du centre de référence maladies rares des maladies héréditaires du métabolisme à l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et du laboratoire de recherche de génétique des maladies mitochondriales, dirigé par Agnès Rötig, à l’Institut Imagine (Inserm, APHP, Université Paris Cité), en collaboration avec la plateforme rAAV de l’Institut, coordonnée par Marcelo Simon-Sola, ont testé avec succès une thérapie génique sur des souris modèles de leucinose, une maladie génétique métabolique rare et sévère. Une première étape clé vers la mise en place de traitement chez l’homme. Cette recherche est financée par le DIM Thérapie Génique (Domaine d’Intérêt Majeur) coordonné par le Pr Marina Cavazzana.

La leucinose est une maladie métabolique héréditaire. Elle concerne environ 150 patients en France, 500 en Europe, et 500 en Amérique du Nord. Ultra rare et mal connue, la leucinose est extrêmement grave en l’absence de traitement. Elle est due à un défaut dans le procédé de transformation de la leucine, entrainant une intoxication du cerveau et de l’organisme par cet acide aminé et ses dérivés. Elle se manifeste dans les jours suivants la naissance par un coma et la nécessité d’une dialyse et de soins de réanimation. Aujourd’hui, les traitements existants sont contraignants, affectant la qualité de vie des patients et doivent être suivis tout au long de leur vie. Même avec un régime alimentaire strict extrêmement limité en protéines, le patient reste à risque de manifestations neurologiques et de coma sévères, notamment lors de situations à risque telles qu’une infection, un jeûne prolongé ou un écart de régime.

Afin de guérir durablement les patients, les équipes du service et du centre de référence maladies rares des maladies héréditaires du métabolisme à l’Hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et du laboratoire de recherche de génétique des maladies mitochondriales, dirigé par Agnès Rötig, à l’Institut Imagine, travaillent à la mise en place d’une thérapie génique pour la leucinose. Pour la première fois, ils l’ont testée avec succès in vivo chez la souris. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications [1].

Des résultats très encourageants par une nouvelle approche de thérapie génique

« Nous avons développé une thérapie génique permettant de guérir des souris atteintes de leucinose en utilisant un gène comme médicament », explique le Pr Manuel Schiff, pédiatre dans le Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme à l’hôpital Necker-Enfants Malades et chercheur à l’Institut Imagine dans le laboratoire de génétique des maladies mitochondriales. Pour cela, les chercheurs ont utilisé un vecteur (appelé AAV8) produit à l’Institut Imagine par la plateforme rAAV, dirigée par Marcelo Simon-Sola et dans lequel le gène sain d’intérêt est introduit. « Les souris atteintes de leucinose présentaient des signes cliniques équivalents à l’Homme, avec une mort précoce, un retard de croissance important et les mêmes marqueurs biochimiques d’intoxication dans le sang », précise le Dr Clément Pontoizeau, médecin biologiste et chercheur au sein du centre de référence et du laboratoire. Après injection intraveineuse du vecteur contenant le gène sain, tout de suite après la naissance, les chercheurs ont observé une amélioration de l’ensemble des paramètres cliniques et biologiques : « les animaux apparaissent guéris, ne présentent aucun symptôme, une excellente correction des marqueurs biochimiques, un poids et un comportement normaux, de manière durable », ajoute Manuel Schiff.

Une preuve de concept à développer

Ces recherches représentent une étape déterminante et ouvrent de réelles perspectives pour un futur traitement chez les patients. Après cette preuve de concept, les étapes restent nombreuses avant de pouvoir tester cette approche chez l’Homme. Celles-ci doivent permettre de prouver l’innocuité de ce vecteur et de l’optimiser pour s’assurer qu’il va au bon endroit dans l’organisme. Des expérimentations supplémentaires dans des modèles animaux plus proches de l’Homme vont être menées, en collaboration avec des équipes spécialisées, dans l’espoir de pouvoir appliquer cette thérapie génique dans un futur relativement proche. Un autre objectif à long terme et cher aux équipes serait de pouvoir mettre cette approche à profit dans d’autres maladies héréditaires du métabolisme.


Sources

[1] C. Pontoizeau et al., Nature Communications, 2022