Le 19 Novembre dernier, CRISPR Therapeutics et Vertex Pharmaceuticals Inc. ont dévoilé des données préliminaires prometteuses sur l’une des premières études cliniques évaluant la sécurité et l’efficacité d’une thérapie basée sur la technologie CRISPR. Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer les effets à longs-termes, ces premiers résultats restent impressionnants pour les deux patients traités atteints d’hémoglobinopathies sévères.
CRISPR Therapeutics et Vertex Pharmaceuticals Inc. ont développé CTX001, l’un des premiers traitements d’édition du génome, pour traiter deux types d’hémoglobinopathies, la bêta-thalassémie et la drépanocytose. Ces deux maladies génétiques du sang, sont dues à une mutation dans le gène qui code l’hémoglobine, une protéine qui assure le transport l’oxygène dans le sang vers tous les organes du corps. Dans la bêta-thalassémie, les patients ont régulièrement besoin d’une transfusion sanguine pour maintenir un seuil d’hémoglobine, alors que les patients atteints de la drépanocytose subissent des crises vaso-occlussives (CVOs) douloureuses dues aux globules rouges en forme de faucille qui obstruent les vaisseaux sanguins.
Le processus d’édition des gènes dans les essais cliniques en cours, implique l’ingénierie des cellules de patients afin d’augmenter le niveau d’hémoglobine dans les globules rouges. Les cellules souches hématopoïétiques et progénitrices des patients sont collectées depuis le sang périphérique puis modifiées à l’extérieur du corps, à l’aide de « ciseaux moléculaires », autrement appelés CRISPR-Cas9, permettant la production d’hémoglobine fœtale dans les globules rouges, une version d’un gène de l’hémoglobine naturellement présente à la naissance mais désactivée à l’âge adulte. Les cellules modifiées CTX001, sont ensuite réinjectées aux patients qui sont surveillés pour déterminer si les cellules modifiées sont capables de produire des nouvelles cellules sanguines matures, un processus appelé prise du greffon. Après la prise du greffon, les patients continuent à faire l’objet d’une surveillance afin d’évaluer l’évolution du niveau d’hémoglobine et l’impact de la greffe sur plusieurs paramètres de la maladie.
Le premier patient présentant une bêta-thalassémie dépendante de la transfusion a été traité avec le CTX001 dans le cadre de l’essai clinique CLIMB-Thal-111 de phase 1/2 en cours. Avant de participer à cette étude clinique, ce patient avait besoin de 16 transfusions sanguines chaque année, alors que 9 mois après le traitement, le patient n’a plus besoin de transfusion et son niveau d’hémoglobine totale est quasi-normal.
De manière impressionnante, le deuxième patient atteint de drépanocytose sévère traité par CTX001 dans le cadre de l’essai clinique CLIMB-SCD-121 en cours a présenté des résultats similaires. Quatre mois après le traitement par CTX001, le patient ne présentait aucun symptôme de CVOs et son niveau d’hémoglobine totale était presque normal, alors qu’avant traitement, il présentait 7 CVOs par an.
« Nous sommes confortés par ces données préliminaires, les premières données de ce type à être rapportées chez des patients atteints de bêta-thalassémie et de drépanocytose traités avec notre thérapie candidate CTX001, des cellules souches hématopoïétiques autologues éditées par CRISPR / Cas9 »
Samarth Kulkarni, Président de CRISPR Therapeutics
Même si ces premiers rapports sont positifs et démontrent le puissant potentiel curatif de l’outil d’édition génomique CRISPR, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, et encore 45 patients doivent être inclus dans l’essai clinique en cours où ils seront suivis pendant approximativement 2 ans afin d’évaluer la sécurité et l’efficacité du médicament candidat à plus long terme. Néanmoins, le chemin vers la mise sur le marché d’une nouvelle thérapie est encore long puisque, rappelons-le, une large étude clinique de Phase 3 est indispensable avant qu’une nouvelle thérapie puisse être approuvée et disponible sur le marché.
« Bien que les données soient passionnantes, nous en sommes encore à la première phase de ce programme clinique. Nous sommes impatients de continuer à travailler avec les médecins, les patients, les soignants et les familles au cours des mois et des années à venir afin de proposer la meilleure thérapie possible pour ces deux maladies graves et de continuer à accélérer nos programmes d’édition de gènes pour d’autres maladies graves telles que la myopathie de Duchenne et la dystrophie myotonique de type 1 »
Jeffrey Leiden, Président de Vertex
Une chose est sûre, ces données mettent en évidence la promesse des traitements par édition de gènes qui est de guérir de nombreuses maladies génétiques. Ces résultats impressionnants font échos à la récente autorisation de la mise sur le marché en Europe du Zynteglo de Bluebird Bio, une thérapie génique dans le traitement de la bêta-thalassémie dépendante de transfusions, issue des cellules de patients modifiées génétiquement mais par une approche différente que celle de CRISPR et Vertex (voir article Du nouveau dans le traitement de la bêta-thalassémie par Thérapie Génique). La thérapie génique semble être à un tournant où les connaissances scientifiques et les technologies convergent pour rendre de nouvelles choses possibles.
Aurélie Laubier, PhD, chef de projet du DIM Thérapie Génique
Sources
Communiqué de presse CRISPR Therapeutics
Article New atlas, Encouraging early results from first human CRISPR gene therapy trials
Article BioSpace, CRISPR Therapeutics and Vertex: Promising Gene Therapy Data for Sickle Cell Disease and Beta Thalassemia
Article San Francisco Chronicle, Crispr surges as gene editing shows promise in blood disease